
Plusieurs saisons passèrent. La petite
chienne border-colley devenait de plus
en plus fugueuse. Le fermier renonça à
la corde, qu'elle cassait pour s'enfuir.
Il l'attacha à une grosse chaîne.
Parfois elle en brisait l'anneau, et
partait en la traînant.
On entendait ce bruit de métal à travers tout le village.
Et cela faisait de la peine.
Elle venait toujours chez Cacao, qui la cajolait et la nourrissait bien.
Le fermier le savait et venait la chercher. Et le manège recommençait.
Elle maigrissait et perdait du muscle, faute d'exercice.
Un jour, on ne la vit plus. On sut que cette fois elle était très solidement attachée
à deux mètres de chaîne et qu'il lui était devenu impossible d'arracher l'anneau.
Prunie et Cacao, en se promenant, la voyaient de loin, et ne savaient que faire.
Elle passa trois mois, abritée par un bout de tôle, à peine nourrie. Cacao
s'inquiétait. N'y tenant plus, elle envoya un ami demander au fermier ce que
devenait la chienne.
-- Je la donne répondit-il, à qui la veut, elle n'est bonne à rien.
L'ami dit qu'il reviendrai dès qu'il aurait trouvé quelqu'un qui voudrait la prendre.
On pensait à ce moment-là qu'elle serait mieux dans son élément dans une autre
ferme, où les maîtres seraient plus doux. Et l'on trouva.
L'ami alla la chercher avec sa fourgonnette. On la détacha. Elle fit mine de
monter dans la voiture, et hop ! elle s'enfuit à travers champs.
Elle arriva directement chez Cacao et lui fit une fête extraordinaire. On comprit
qu'elle avait choisi et qu'on ne pouvait aller contre le destin. Elle avait cinq ans
maintenant. Depuis toute petite, elle avait rêvé de vivre là. Enfin elle avait réussi.
On décida de lui trouver un nom. La T.V. repassait ce soir-là "La grande bouffe"
avec Marcello Mastroianni. Comme c'était une fille, on l'appela Marcella.
Elle comprit très vite que ce serait son nouveau nom. Il lui plut beaucoup.
Elle ne manque jamais d'y répondre. Elle est excessivement obéissante et
témoigne à sa maîtresse une affection débordante. Et jamais, jamais elle
ne s'échappe.
