Dans ce nouveau chapître, Prunie L'Aventurière va, entre autre, relater
à Cacao, et à elle seule, des histoires plus tristes et plus intimistes, qu'on lui
confie parfois, ou qu'elle glane au hasard de ses pérégrinations.
Si vous les entendez, c'est sans doute par erreur, ou parce que vous écoutez aux
portes ... Mais ce n'est pas grave, vous êtes des amis et saurez tenir votre
langue.
. . . / . . .
Vois-tu Cacao, je fais depuis quelque temps le ménage chez une dame.
Une jeune retraitée, très à l'aise, coquette, dynamique. Et pourtant elle me fait
de la peine. Elle est toujours gentille avec moi, et ne me surveille pas.
Elle aime beaucoup lire, sur son canapé, sans s'occuper de ma présence.
Mais je sens qu'elle est contente que je sois là. Souvent, je remarque qu'en fait
elle ne suit plus son livre, elle regarde dans le vide et semble très triste.
Parfois elle me parle, raconte qu'elle se promène avec une amie, qu'elles vont
au restaurant, au cinéma. Elle fait aussi de la gymnastique, et beaucoup d'autres
choses. Mais on dirait que tout l'ennuie, que rien ne l'intéresse, qu'elle fait tout
par obligation, non par plaisir.
-- Ce que j'aurais aimé, c'est voyager, me dit-elle. M'en aller très loin.
-- Pourquoi ne partez-vous pas avec votre amie. Il y a tant de destinations. C'est
si facile maintenant.
-- Vous avez raison, mais je n'en ai plus envie. Un jour je lui ai proposé d'acheter
un camping-car, puisque nous étions libérés du travail.
-- A votre amie ?
-- Non, à lui. Il a répondu : " pas pour le moment ". Et aujourd'hui c'est trop tard.
Il n'est plus là. Je l'ai perdu. Je me sens complètement abandonnée.
-- Je comprends. C'est difficile au début, il faut du temps pour s'habituer.
Il y a longtemps qu'il est mort ?
-- Oh non, il n'est pas mort ! Il a juste cessé de m'aimer. Un jour. Je ne sais pas
quand ça a commencé. Simplement, je me sentais de plus en plus triste et
fatiguée. Je n'avais plus envie de rien, sans que je sache pourquoi.
Quelque chose me tourmentait. Je n'arrivais pas à saisir. Puis, peu à peu,
j'ai su.
C'était venu. C'est tout. Il ne m'aimait plus.
Sans que j'en connaisse la raison, ni depuis quand.
Pourtant, c'est arrivé. Un jour. Je ne sais pas quel est ce jour. Je ne le saurai
jamais. Mais ce jour-là, que je n'ai même pas remarqué, en perdant son amour,
j'ai tout perdu.
A P L U S . . .
D A N S L ' A U T O B U S . . .