Vous le savez déjà, ( Allo le monde, ici Maurice-Le-Chat ! ) elle a
osé m'attacher !
Moi, Maurice-Le-Vagabond ! L'explorateur des campagnes. Le roi de la
chasse aux lapins ! Dix-sept ans d'expérience dans cette activité. C.V.
sur demande.
Moi, Maurice-Le-Chat, chef d'un immense territoire dans mon Lot natal !
Qu'elle m'ait emmené dans son nouvel appartement, passons. J'accepte.
Après tout, je l'aime bien. L'hiver dernier, on est allé à la montagne avec
elle. Sloopy, Marcella et moi. Et on s'est bien amusé dans la neige. On ne
connaissait pas. Surtout mes idiotes de soeurs, qui n'étaient même pas nées
quand on en a vu une fois dans le Lot.
Cet été, elle avait dit qu'on allait "en ville". Dans la nouvelle maison de
"maman". N'importe quoi. Ce n'est pas du tout une maison, même s'il y a
un petit jardin. A mon avis, elle s'est fait avoir. Une maison, c'est bien
plus grand. Passons. Comme toutes les femmes, elle n'y connaît rien.
Mais question embêter le monde, avec une longue corde ficelée au volet, ça,
elle sait faire ! Enfin, rien qu'une journée. Je vous ai déjà raconté. J'ai
vite réussi à l'en dissuader.
J'avais juré de me venger. Je vous l'avais dit. C'est fait. Et bien fait.
Oh ! Pas tout de suite. J'ai attendu mon heure, fait mon sage, mon "mignon
chat", comme elle dit. Elle trouvait que je m'étais bien adapté, que j'étais
"raisonnable"... Je buvais du petit lait, dans l'attente de ma revanche.
Au début, elle ne me laissait dehors que lorsqu'elle était là. Puis, devant
ma "sagesse", elle s'est enhardie. Même quand elle partait, "travailler",
soi-disant, ( truc que font les humains pour acheter des boîtes, des
croquettes, de la litière, des paniers, des coussins, et peut-être des
choses inutiles, pour eux, je ne sais pas) je pouvais rester dehors, sur ma
chaise longue personnelle, ( Méfie-toi, Sloopy ! ). Ou sous la haie, à faire
mon "gentil chat".
Un jour, je l'ai entendu parler avec Christiane. De "Toulouse". De "danse
orientale". De la fille de Christiane qui allait faire un "spectacle".
Aucun intérêt pour moi dans ces mots. Du chinois. Qui m'empêchait de
faire tranquillement ma sieste.
Pourtant, la fin de ce bavardage pénible a retenu mon attention :
- On partira à 18 H dernier délai, pour avoir de bonnes places.
- Tu as raison, je sortirai les filles un peu avant, je les ferai manger.
Et, hop ! Tout le monde "au lit". Pour Maurice, pas de problème, il est
"mignon" comme tout ! Dès que je l'appelle, il rentre "sagement"...
...Ah ! Ah ! Ah ! Pas tombé dans l'oreille d'un chat sourd !
Déjà, quand elle est rentrée du travail, vers 17h10, elle ne m'a pas vu
sur la chaise longue. Elle a un peu regardé sous la haie, pas trop. J'étais
bien planqué au milieu du feuillage. Elle pouvait toujours appeler. De toute
façon, à ce moment-là, elle n'a pas insisté. Elle a dit à mes deux gazelles
de soeurs : il doit faire "dodo" sous la haie, on va aller se promener, on le
réveillera après, et on le fera rentrer... Pfft ! L'espoir fait vivre...
Espérez un peu les femelles, miaulera bien qui miaulera le dernier !
En plus, d'abord, elle s'est pomponnée. Habillée comme quand elle nous
laisse parfois. Un peu. Et que mes deux idiotes de "soeurs" font une mine
de carême. Comme si le monde allait s'écrouler. Parce que leur "maman"
s'en va à une heure inhabituelle ! Elles sont si abruties que si on ne leur
dit pas toutes les dix minutes "elle est mignonne Marcella" ou "elle est
gentille Sloopy", elles perdent le goût de remuer la queue...
Bref, maquillage, coiffure, laisses aux cous des deux gourdes. Là voilà
partie "promener" ses chienchiens.
Je me doutais que la sortie serait courte. Elle avait hâte de partir avec
Christiane, à cause de ce truc de "danse orientale". Du grand n'importe
quoi sans doute. Comme d'habitude. Genre "restaurant", "cinéma", "faire
des courses". Concepts inconnus de moi. Donc temps perdu à coup sûr.
Ces deux-là me fatiguent à placer sans cesse des mots ineptes dans leur
babillage usuel.
Je surveillais le retour des "promeneuses". Du fin fond de la haie. Contre
le fameux grillage. Réputé "inviolable". Balivernes. Bêtises sans nom. J'y
grimpe à ce grillage. Je l'ai fait plein de fois quand elle n'était pas là, ou
croyait que je faisais "dodo". Je connais les pelouses des voisins. Les bacs
à fleurs du rez de chaussée. Sous lesquels on peut s'abriter, embêter des
lézards, surveiller les humains pressés. Qui rentrent et sortent de leurs
drôles de terriers.
Quand elles sont arrivées, je venais de mettre les voiles. Je l'entendais
appeler. Je jouissais. Adieu la "danse orientale", ma fille ! Tu peux couiner
tant que tu veux "Mauriçou, petit Mauriçou ! Viens Maurice, viens !".
Pas prêt "d'obéir" le Maurice ! Tiens, voilà que la Christiane s'en mêle.
Il ne doit pas être loin de 18H. Elle est sur son 31 elle aussi. Bon, ça
roule. Deux soirées gâchées au lieu d'une ! Non, l'autre va y aller quand
même. C'est sa fille après tout. Celle qui danse. Mais ma "maman", hein,
niet ! Bien fait !
Je la tiens, ma vengeance ! Dans toute sa splendeur.
J'attends avec impatience que Christiane s'en aille... Pour que ma
"maîtresse" reste seule avec son inquiétude ! Qui c'est qui commande ici ?
Pas elle en tout cas !
Ben vous savez quoi ? Elle y est allée quand même à sa "danse orientale" !
Quelque part, ça m'a vexé. Elle a dit "il va revenir, je suis sûre qu'il
sera là à notre retour". Bof, j'allais réfléchir à la chose. En attendant, je
me suis bien amusé ce soir-là. J'ai même visité le parking souterrain, qu'ils
croient protégé parce qu'il y a des grilles ! Foutaises !
Lorsqu'elle est rentrée, vers 3H du mat, j'étais effectivement là,
devant la baie vitrée. Nonchalamment assis. Depuis un moment, j'observais
Marcella et Sloopy. Qui roupillaient dans leurs paniers, ces deux grosses
vaches. Lorsqu'elle a ouvert la baie, j'ai pris mon temps. Fait semblant de
n'avoir aucune envie de rentrer. Pendant qu'elle se déshabillait. Puis bon,
comme j'avais un peu faim, et envie de dormir sur son lit, je me suis
décidé à remettre les pattes dans cet ersatz de maison.
Mais, il y a une chose dont je suis sûr : elle a dû se faire des cheveux à la
"danse orientale" ! Et elle n'a pas pu profiter vraiment de sa soirée. . .
Bien fait ! Et c'est pas encore assez ! Je lui en ferai d'autres !
L'avait qu'à pas m'attacher ! Quel culot ! M'attacher !
M'attacher ! Moi ! Maurice-Le-Chat !
DE RETOUR AU BERCAIL
P.S. Si vous voulez savoir comment je vivais avant, moi, Maurice-Le-Chat,
lisez par exemple : MAURICE ET LA PAGE HUIT
MAURICE ET LA PAGE HUIT ( 2 )
MAURICE ET LA PAGE HUIT ( 3 )