- Prunie l'Aventurière, dit Cacao, tu
sais que j'ai deux nièces,
Carotte, dont je viens de te parler,
et La Page Huit, qui est un peu plus
âgée.
Elles ne sont pas soeurs, elles
sont cousines.
- Oui, oui, bien sûr. Mais ce dont
je me souviens mal, c'est pourquoi elle s'appelle La Page Huit ...
- Oh ! Ceci est une autre histoire !
Voyons d'abord celle-là.
Pour les "un an" de Maurice-Le-Chat, La Page Huit, qui en avait six, avait
décidé qu'il fallait un gâteau à la chantilly, afin qu'on puisse donner au moins de
la crème au chat. C'était le huit Juillet.
Nous avions dîné à la fraiche sur la terrasse, et pas vu le chat de la journée. Il est
vrai que La Page Huit, très expansive, avait fait pas mal de bruit et poussé force
cris ce jour-là. Nous lui expliquâmes que, si elle voulait que Maurice rentre faire
honneur à son dessert, il fallait être très calme ce soir-là. Et l'appeler doucement
au moment voulu, car il ne devait pas être loin.
Elle suivit à la lettre nos instructions, ne disant pratiquement pas un mot à table,
et nous recommandant sévèrement de parler à voix basse.
Ce n'était pas vraiment facile, car nous recevions aussi ma grand-mère, qui était
son arrière-grand-mère, un peu dure d'oreille.
A la fin du repas, La Page Huit ne se fit pas prier pour aider à lever le couvert et
mettre les assiettes à dessert. Puis elle apporta fièrement le gâteau, sur lequel
elle avait mis une bougie, qu'elle alluma.
-- C'est un peu tôt pour allumer, dit son arrière-grand-mère. Attends de trouver le
chat d'abord !
La Page Huit se mit donc en devoir d'appeler Maurice, très doucement, dans
chaque recoin du jardin. Au bout d'une dizaine de minutes, elle revint, dépitée,
souffler elle-même la bougie.
A l'étonnement général, ce fut à cet instant que le chat apparut, nonchalamment,
au bout de la terrasse. Elle fit sans doute un gros effort pour ne pas crier, comme
elle en mourrait d'envie : "Maurice, voilà Maurice !"
A la place, elle prit délicatement une soucoupe, y déposa une bonne ration de
chantilly, faisant un peu tinter la cuillère, ce qui attirait toujours l'animal.
Déjà, il s'avançait. Elle alla à sa rencontre, déposa très précautionneusement
l'assiette par-terre. Puis recula un peu, pour juger de l'effet, et s'accroupit
lentement, face à lui.
Maurice commença à lécher la crème, avec un empressement et une satisfaction
faisant plaisir à voir. Pendant environ cinq secondes.
Car ensuite, La Page Huit, au comble du ravissement, ne réussit pas à se retenir
de crier bien fort, dans le silence de la nuit tombée :
" Bon anniversaire, Maurice ! "
Il détala sur le champ. On ne le revit pas avant le lendemain soir.
A LUNDI . . .
DANS L' TAXI . . .
( A suivre)