Sais-tu, Cacao, dit Prunie L'Aventurière, que le monsieur qui avait oublié
le soleil va de mieux en mieux ?
Je te porte un panier de reine-claude de son jardin. Elles sont mûres à point,
tellement sucrées, c'est un délice. Elles sont naturelles, pas comme celles du
commerce, mûries au gaz !
Il fait des tartes maintenant. Pour la première, je l'ai aidé. Puis il a recommencé
tout seul. On se régale. Il en a même porté une à sa voisine, il en était très fier.
Oh ! Il faut que je te raconte. Il y a tant de fruits cette année qu'on a fait des
confitures.
Plusieurs pots, on a passé un temps à dénoyauter les prunes !
Et je lui ai donné l'idée de fabriquer des étiquettes personnalisées "maison".
Pour offrir les pots à ses amis. Cela l'occupe. Certaines sont très jolies, avec des
pleins et des déliés, à l'encre de chine. On a retrouvé un vieux porte-plume.
Pour changer, on a acheté du papier-parchemin. Il le découpe, avec des festons,
et toutes sortes de forme. On noircit un peu le bord à la flamme d'une bougie.
Il ne faut pas trop l'approcher du papier, au début nous avons eu des aventures,
tout partait en fumée. Ce qui le faisait rire. Je l'entendais rire pour la première
fois.
La deuxième fois, c'était avant-hier. Là on ne pouvait plus s'arrêter, et ça faisait
du bien. Toute la matinée, on évitait de se regarder, sinon on éclatait.
Figure-toi que je lui avais conseillé de ne pas mettre trop de sucre. Pour que l'on
sente bien le goût du fruit. Moitié moins que de fruits.
J'ai fait aussi des pots chez moi avec toutes les prunes qu'il m'a données. Comme
il sait que je n'ai pas le temps, il va me fabriquer des étiquettes.
Mais pas pour la dernière série. Ni pour moi, ni pour lui.
Ces confitures-là, on les garde pour nous ! Attention les yeux les calories !
On en avait tellement assez d'enlever les noyaux, qu'on s'est dit que pour nous,
après tout, on pouvait les laisser. Il suffirait de faire attention en mangeant.
Je l'ai quitté le soir après cette sage décision. Il était convenu de cuire chacun
nos prunes, et de vérifier quelle serait la meilleure confiture.
Et avant-hier, je suis arrivée chez lui, pas fière du tout. Je me disais qu'il n'avait
pas été aussi bête que moi ! Tu penses bien que je n'avais pas apporté un pot
pour comparer mes talents aux siens ! Pourquoi ?
Oh ! Là ! Là ! Ma pauvre Cacao !
En arrivant, j'ai vu sa tête, j'ai tout de suite compris !
Il a dit :
-- Vous au moins, vous aurez été plus maligne que moi !
-- Et non ! Pas du tout ! C'est horrible n'est-ce pas ! Bah ! On les mangera bien
quand même...petit à petit...
-- Mais oui, mais oui. Pas la peine de faire des étiquettes pour celles-là. Comme
ça on les reconnaîtra !
-- Je ne comprends pas, s'étonna Cacao.
-- Toi qui es si intelligente ? Réfléchis un peu. Nos confitures sont trop sucrées.
Vraiment trop, trop, trop sucrées. Il faut en mettre très, très peu sur le pain.
On a testé. Avec presque rien, c'est mangeable. Mais il nous faudra longtemps
pour tout finir ! Et personne ne nous aidera !
-- Mais pourquoi ? Vous avez mis plus de sucre ?
-- On en a mis pareil. Moitié poids de sucre, moitié poids de fruits. Sauf qu'on n'a
pas pensé aux noyaux. Et ça pèse des noyaux ! Et ça ne risque pas de pomper
le sucre ! Quelle catastrophe ! On a ri toute la matinée !
A B I E N T Ô T . . .
D A N S M O N T A C O T . . .